À PROPOS DE KOUTÉ VWA
Comme l’annonce son titre Kouté vwa (Écouter les voix) entreprend de faire circuler, et de nous faire entendre, la parole de la famille et des amis de Lucas, un jeune Guyanais de 18 ans tué en 2012 à Cayenne lors d’une soirée d’anniversaire.
Si le film s’ouvre par la marche organisée pour commémorer le dixième anniversaire de sa mort, Maxime Jean-Baptiste fait ensuite le choix d’une narration à la forme fictionnalisée pour nous entraîner dans le sillage de Melrick, 12 ans, neveu du défunt venu passer ses vacances d’été chez sa grand-mère Nicole pour apprendre à jouer du tambour et prendre la relève de son oncle.
La musique devient alors un courant qui rassemble les êtres et fait écho à la polysémie des paroles de reconstruction de celles et ceux qui portent le deuil. Ainsi Nicole, la mère de Lucas, témoigne d’une voix forte et émouvante de sa lutte pour ne pas se laisser déborder par la haine. Yannick, le meilleur ami, toujours au bord du gouffre qu’a ouvert le drame dans lequel il a été lui-même grièvement blessé, raconte comment il se rattache à des sensations simples pour se sentir vivant et ne pas sombrer.
Dans ce cheminement, Kouté vwa nous emmène dans ces espaces totalement relégués, véritablement angles morts du cinéma, que sont la Guyanne française, Cayenne et ses petites cités.
Si la violence sociale et politique qui sourd à chaque plan nous donne à sentir les effets dévastateurs de la colonisation encore à l’œuvre dans ces territoires, le film n’exotise jamais les lieux mais en capte les complexités : la beauté d’une nature luxuriante, le calme apparent qui cohabite avec l’abandon. De même qu’il ne réduit jamais ses personnages au statut de victime d’un « fait divers » dramatique mais les pose comme acteurs de la force communautaire qui les unit pour résister.
– Marie-Pierre Brêtas et Julie Conte, cinéastes de l’ACID